Les
portraits sculptés du couple impérial
Avec
l’avènement de l’Empire le 18 mai 1804, le simple hommage à Bonaparte ne suffit
plus. Il faut désormais un portrait officiel du souverain sur la façade de l’hôtel
de ville, là où, sous l’Ancien Régime, plastronnait l’effigie de Louis XIV.
Le conseil municipal entérine, le 8 juin suivant, la commande d’un buste en
marbre de Napoléon Ier. Il charge, en outre, le préfet
Antoine Clair Thibaudeau (23 avril 1803-10 juin 1814) de désigner le sculpteur,
lequel réitère la confiance placée en Chardigny (1757-1813). L’œuvre est
installée au printemps 1805 avant d’être inauguré solennellement le 1er janvier 1806. Par la suite, elle est retirée sous la Restauration au profit
d’un nouveau Louis XIV et l’on perd sa trace.
Pourtant,
il est très probable qu’il s’agisse du buste en hermès, haut de 90 cm, conservé
dans les réserves du musée des Beaux-Arts. Ce dernier, considéré comme étant la
partie sommitale de la colonne Bonaparte, ne correspond effectivement pas à la
représentation donnée par Poise. Ici, pas de piédouche, pas de costume ![1]
En
parfaits courtisans, les édiles phocéens proposent peu après d’ériger également
une statue équestre en bronze au héros d’Austerlitz (2 décembre 1805). Celui-ci
se montre très sensible à leur élan d’affection mais fait savoir qu’il ne
souhaite « accepter leur hommage qu’à l’époque où les circonstances auront
permis au commerce de Marseille de recouvrer son ancienne prospérité. »[2] De fait, ce projet reste
lettre morte !
Après
l’empereur, la ville entend honorer l’impératrice Joséphine en élevant sa
statue[3] dans la nouvelle serre du jardin botanique
dont elle est la marraine. Le 14 février 1806, l’omniprésent Chardigny soumet
sa candidature et une esquisse en terre ; il s’engage, moyennant
10 135 francs, à exécuter l’œuvre sous dix mois. Une fois encore, la
commande lui échoie bien que ses multiples chantiers en cours et les
difficultés à s’approvisionner en marbre de qualité fassent craindre
d’éventuels retards… avec raison ! Fin avril 1808, le conseil municipal
s’irrite de n’avoir rien à inaugurer ou même à montrer lors de la prochaine
visite officielle de Napoléon Ier. Sur ce, le sort s’acharne :
le 16 mai 1808, le prix de Rome est arrêté pour une malversation datant de 1799
et déféré à Paris ; quant à son atelier, il est mis sous scellés. En
attendant une éventuelle relaxe, Michel-Robert Penchaud (1772-1833) réalise
plusieurs planches de la galerie de la grande serre en y incluant la future
sculpture.
Archives municipales de Marseille, 78 Fi 346
Le
temps s’écoule. Le conseil municipal se tourne alors vers Chinard (1756-1813) qui
vient à Marseille le 28 juin 1809. Il ne trouve rien à sauver de l’ébauche en
marbre et, opportunément, propose ses services pour une nouvelle statue d’après
son propre modèle. En fin de compte, la répudiation de Joséphine, en décembre
1809, clôt définitivement le sujet de son hommage public.
L’obélisque
de la place Castellane
À la
même époque, les projets de réaménagement de la place Castellane[4] sont, à nouveau,
l’occasion de célébrer le chef de l’État. Le directeur des travaux publics
François Michault signe un projet d’obélisque au centre d’un bassin circulaire,
daté et validé par la municipalité le 22 novembre 1808.
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 1 F 192
L’architecte
chiffre modestement son monument haut de 18 mètres à 17 500 francs. Sur
l’avis du conseil des Bâtiments civils, les proportions sont revues à la hausse
(27 mètres) pour obtenir une perspective satisfaisante depuis la porte
d’Aix ; quant au budget, il croît démesurément (70 325,23 francs). Les
édiles repoussent sa réalisation pour raisons financières. Un nouveau devis,
dressé le 12 février 1810, se monte à 26 000 francs. Ce rabais s’explique
principalement par la construction d’un obélisque maçonné d’une quarantaine
d’assises plutôt que d’un assemblage en trois parties. Le projet est approuvé
le 24 mai 1810. Le chantier, mené par le tailleur de pierre Pierre Blu, débute
en 1811 ; en décembre 1812, les travaux sont achevés à l’exception des
revêtements de marbre du piédestal… toujours pour des difficultés
d’approvisionnement.
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 2 Fi 397
La
naissance du roi de Rome, le 20 mars 1811, incite le maire à modifier la
dédicace en faveur du prince impérial lors du conseil municipal du 27 avril
1811. Sous la Restauration, l’obélisque est dédié au comte d’Artois, futur
Charles X. Après 1830, il ne porte plus d’inscriptions. Enfin, en 1911, il est
déplacé au rond-point de Mazargues pour céder la place Castellane à la fontaine
colossale du marbrier Jules Cantini mais perd lui-même sa fonction de fontaine.
Aujourd’hui, l’intérêt pour ces monuments du Consulat et du Premier Empire s’avère patent. Les reliquats des quatre fontaines érigées sous le mandat du préfet Delacroix ont été classés Monuments historiques par décret préfectoral du 12 décembre 2022. Le 10 juin 2025, c’est au tour de l’obélisque de Mazargues d’obtenir la même protection. Dans cette dynamique positive, souhaitons que la Paix de Chinard suscite elle aussi l’attention de l’État ou, a minima, celle de la mairie afin qu’elle soit signalée comme remarquable par le biais d’un cartel !
[1]
En revanche, ce buste est certainement celui qui coiffe la colonne Bonaparte
sous le Second Empire… d’où la confusion.
[3] Pour une étude plus approfondie de cette œuvre, cf. Joseph Billioud, « Une statue égarée de l’impératrice Joséphine », Marseille, n°33, octobre-novembre 1957, p.21-26.
[4] La place Castellane, créée en 1774, constitue alors l’extrémité méridionale du grand axe nord-sud partant de la porte d’Aix. Une fontaine y est érigée en 1786.
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