vendredi 26 décembre 2025

Les monuments marseillais à la gloire de la dynastie napoléonienne 2

Les portraits sculptés du couple impérial
Avec l’avènement de l’Empire le 18 mai 1804, le simple hommage à Bonaparte ne suffit plus. Il faut désormais un portrait officiel du souverain sur la façade de l’hôtel de ville, là où, sous l’Ancien Régime, plastronnait l’effigie de Louis XIV. Le conseil municipal entérine, le 8 juin suivant, la commande d’un buste en marbre de Napoléon Ier. Il charge, en outre, le préfet Antoine Clair Thibaudeau (23 avril 1803-10 juin 1814) de désigner le sculpteur, lequel réitère la confiance placée en Chardigny (1757-1813). L’œuvre est installée au printemps 1805 avant d’être inauguré solennellement le 1er janvier 1806. Par la suite, elle est retirée sous la Restauration au profit d’un nouveau Louis XIV et l’on perd sa trace.

Barthélemy Chardigny, Napoléon Ier, buste, marbre, 1805
Musée des Beaux-Arts de Marseille, S 59 © Vialle-Almodovar

Pourtant, il est très probable qu’il s’agisse du buste en hermès, haut de 90 cm, conservé dans les réserves du musée des Beaux-Arts. Ce dernier, considéré comme étant la partie sommitale de la colonne Bonaparte, ne correspond effectivement pas à la représentation donnée par Poise. Ici, pas de piédouche, pas de costume ![1]
En parfaits courtisans, les édiles phocéens proposent peu après d’ériger également une statue équestre en bronze au héros d’Austerlitz (2 décembre 1805). Celui-ci se montre très sensible à leur élan d’affection mais fait savoir qu’il ne souhaite « accepter leur hommage qu’à l’époque où les circonstances auront permis au commerce de Marseille de recouvrer son ancienne prospérité. »[2] De fait, ce projet reste lettre morte !
Après l’empereur, la ville entend honorer l’impératrice Joséphine en élevant sa statue[3] dans la nouvelle serre du jardin botanique dont elle est la marraine. Le 14 février 1806, l’omniprésent Chardigny soumet sa candidature et une esquisse en terre ; il s’engage, moyennant 10 135 francs, à exécuter l’œuvre sous dix mois. Une fois encore, la commande lui échoie bien que ses multiples chantiers en cours et les difficultés à s’approvisionner en marbre de qualité fassent craindre d’éventuels retards… avec raison ! Fin avril 1808, le conseil municipal s’irrite de n’avoir rien à inaugurer ou même à montrer lors de la prochaine visite officielle de Napoléon Ier. Sur ce, le sort s’acharne : le 16 mai 1808, le prix de Rome est arrêté pour une malversation datant de 1799 et déféré à Paris ; quant à son atelier, il est mis sous scellés. En attendant une éventuelle relaxe, Michel-Robert Penchaud (1772-1833) réalise plusieurs planches de la galerie de la grande serre en y incluant la future sculpture.

Michel-Robert Penchaud, Coupe de la galerie de la grande serre du jardin botanique, détail de la statue de Joséphine, dessin à encre, 1808
Archives municipales de Marseille, 78 Fi 346

Le temps s’écoule. Le conseil municipal se tourne alors vers Chinard (1756-1813) qui vient à Marseille le 28 juin 1809. Il ne trouve rien à sauver de l’ébauche en marbre et, opportunément, propose ses services pour une nouvelle statue d’après son propre modèle. En fin de compte, la répudiation de Joséphine, en décembre 1809, clôt définitivement le sujet de son hommage public.

L’obélisque de la place Castellane
À la même époque, les projets de réaménagement de la place Castellane[4] sont, à nouveau, l’occasion de célébrer le chef de l’État. Le directeur des travaux publics François Michault signe un projet d’obélisque au centre d’un bassin circulaire, daté et validé par la municipalité le 22 novembre 1808.

François Michault, Projet de l’obélisque pour la place Castellane, dessin aquarellé, 1808
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 1 F 192

L’architecte chiffre modestement son monument haut de 18 mètres à 17 500 francs. Sur l’avis du conseil des Bâtiments civils, les proportions sont revues à la hausse (27 mètres) pour obtenir une perspective satisfaisante depuis la porte d’Aix ; quant au budget, il croît démesurément (70 325,23 francs). Les édiles repoussent sa réalisation pour raisons financières. Un nouveau devis, dressé le 12 février 1810, se monte à 26 000 francs. Ce rabais s’explique principalement par la construction d’un obélisque maçonné d’une quarantaine d’assises plutôt que d’un assemblage en trois parties. Le projet est approuvé le 24 mai 1810. Le chantier, mené par le tailleur de pierre Pierre Blu, débute en 1811 ; en décembre 1812, les travaux sont achevés à l’exception des revêtements de marbre du piédestal… toujours pour des difficultés d’approvisionnement.

Anonyme, La place Castellane, gravure colorée, vers 1820-1830
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 2 Fi 397

La naissance du roi de Rome, le 20 mars 1811, incite le maire à modifier la dédicace en faveur du prince impérial lors du conseil municipal du 27 avril 1811. Sous la Restauration, l’obélisque est dédié au comte d’Artois, futur Charles X. Après 1830, il ne porte plus d’inscriptions. Enfin, en 1911, il est déplacé au rond-point de Mazargues pour céder la place Castellane à la fontaine colossale du marbrier Jules Cantini mais perd lui-même sa fonction de fontaine.

François Michault, Obélisque, 1811
Rond-point du Mazargues, 9e arrondissement © Xavier de Jauréguiberry

Aujourd’hui, l’intérêt pour ces monuments du Consulat et du Premier Empire s’avère patent. Les reliquats des quatre fontaines érigées sous le mandat du préfet Delacroix ont été classés Monuments historiques par décret préfectoral du 12 décembre 2022. Le 10 juin 2025, c’est au tour de l’obélisque de Mazargues d’obtenir la même protection. Dans cette dynamique positive, souhaitons que la Paix de Chinard suscite elle aussi l’attention de l’État ou, a minima, celle de la mairie afin qu’elle soit signalée comme remarquable par le biais d’un cartel !


[1] En revanche, ce buste est certainement celui qui coiffe la colonne Bonaparte sous le Second Empire… d’où la confusion.

[2] Arch. Mun., 1D35, délibération du 28 juillet 1806, p.45.
[3] Pour une étude plus approfondie de cette œuvre, cf. Joseph Billioud, « Une statue égarée de l’impératrice Joséphine », Marseille, n°33, octobre-novembre 1957, p.21-26.
[4] La place Castellane, créée en 1774, constitue alors l’extrémité méridionale du grand axe nord-sud partant de la porte d’Aix. Une fontaine y est érigée en 1786.

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