jeudi 9 octobre 2025

Pétanque !

Affiche de l’exposition du Musée d’Histoire de Marseille

Y a-t-il un sport marseillais plus emblématique que la pétanque ? C’est donc le thème choisi par le Musée d’Histoire pour une petite exposition, essentiellement constituée de photos d’Hans Silvester (né à Lörrach, Allemagne, en 1938). On y trouve néanmoins une très belle peinture d’Augustin Carrera (1878-1952) et quelques documents graphiques anciens ; on y trouve aussi plusieurs sculptures contemporaines.

Anonyme, Trophée La Marseillaise, Société ayant le plus d’équipes engagées, 1960
Collection particulière


Alain Paris (né à Marseille en 19..), La Marseillaise portant une boule de pétanque,
statuette en plâtre peint, après 2013
Collection du journal La Marseillaise

Pierre Souvignet & Société Obut, L’Arbre à boules du Mondial La Marseillaise à pétanque,
boules de pétanque et support en acier, 2002
Collection particulière

Pour le 40e anniversaire du Mondial La Marseillaise (2002), Pierre Souvignet – alors directeur de la Société Obut, leader dans la fabrication de boules de pétanque – fait fabriquer cet arbre, devenu depuis l’un des emblèmes du concours.

Jeremy John Kaplan, Crossing (Intersection in suspension),
métal, bois, aimants et câbles d’acier, 2017
Collection de la Galerie La Banane, Cannes

Le plasticien américain Jeremy John Kaplan (né à Philadelphie en 1982) est convaincu du rôle social du sport. Inspiré par les ready-made de Marcel Duchamp (1887-1968), il réalise un mobile avec des boules de pétanque comme si la partie était suspendue dans l’espace et le temps.

mardi 30 septembre 2025

La Mise au tombeau (Andrea Della Robbia sculpteur)

Andrea Della Robbia, La Mise au tombeau, haut-relief, terre cuite glaçurée, vers 1522/1525
Vieille Major, avenue Robert Schuman, 2e arrondissement

La ville de Marseille possède l’un des derniers ouvrages du sculpteur-céramiste florentin Andrea Della Robbia (1435-1525) et, assurément, l’un de ses chefs-d’œuvre : La Mise au tombeau. Sur ce haut-relief monumental installé dans un enfeu de l’ancienne cathédrale, figurent de gauche à droite, autour de la dépouille du Christ, l’apôtre Jean, la Vierge, Marie Jacobé et Marie Salomé ainsi que Marthe et Marie-Madeleine agenouillée aux pieds du défunt. Au-dessus des saints personnages, quatre anges en vol et en oraison complètent cette scène solennelle.
Un élément a aujourd’hui disparu au XIXe siècle : les deux blasons peints sur cuivre des donateurs. L’un était celui de Dominique Séguier, capitaine du roi de Naples Charles III d’Anjou, puis lieutenant des galères et maître d’hôtel des rois de France Charles VIII et Louis XII ; l’autre était celui de son épouse Jeanne Napolon. Néanmoins, François Michel de Léon (1727-1800) en a donné un dessin dans son Voyage pittoresque de Marseille (planche 7).

François Michel de Léon, Le Voyage pittoresque de Marseille, vers 1778, planche 7

Le haut-relief se compose de 33 morceaux modelés ou moulés, découpés en suivant le profil des personnages ou des éléments architecturaux (croix, sarcophage). Chaque pièce a été cuite puis émaillée avec des oxydes métalliques d’étain (blanc) et de cobalt (bleu) ou encore pour le sarcophage de cuivre (vert) et de manganèse (violet). Pour l’assemblage, les fragments les plus épais se situent à la base ; les plus légers s’imbriquent au-dessus, les uns dans les autres, afin de former une structure autobloquante.
Ces dernières années, l’œuvre d’Andrea Della Robbia a subi une importante restauration, permettant une étude approfondie du haut-relief à laquelle a participé l’académicienne marseillaise Élisabeth Mognetti. Nul doute qu’elle y reviendra demain lors de sa conférence donnée à l’Institut culturel italien (6 rue Fernand Pauriol, 5e arrondissement).

Conférence Élisabeth Mognetti sur
Les Della Robbia de Marseille

mardi 23 septembre 2025

Un dessin d’Henri Raybaud en salle des ventes

Jeudi 2 octobre, à Saint-Raphaël, la maison Var Enchères vendra un dessin double face du sculpteur marseillais Henri Raybaud (1879-1942). Il s’agit d’une étude pour un Laboureur ; au dos, se trouve une seconde étude de Cochons. Ces deux études au crayon, d’environ 24 x 16 cm, sont estimées entre 80 € et 120 €.

Henri Raybaud, étude d’un Laboureur, crayon

Henri Raybaud, étude de Cochons, crayon
Var Enchères, 2 octobre 2025, lot 3

Elles proviennent de l’atelier de l’artiste et ont été dispersées au moment de sa succession, en pleine Seconde Guerre mondiale. Elles sont marquées par un cachet en provençal : Enri / Raybaud / estatuaire / 1879-1942 qui suggère un engagement dans le Félibrige.

lundi 8 septembre 2025

Projet de monument à Gyptis et Protis (Raymond Servian sculpteur)

En février 1943, le gouvernement de Vichy entreprend le dynamitage des quartiers de la rive nord du Vieux-Port à la demande expresse des Allemands. De 1947 à 1955, la ville se reconstruit et prend un nouveau départ. Pour le signifier, plusieurs sculptures décoratives évoquent le voyage des Phocéens partis fonder une colonie sur les rivages de la Gaule.

Raymond Servian (1903-1954), Amphitrite – Et sur les flots d’azur Phocée jeta à nouveau ses nefs,
haut-relief, pierre, vers 1955
Angle de la rue Tasso et de l’avenue Saint-Jean, 2e arrondissement

Oscar Eichacker (1881-1961), La Méditerranée, bas-relief, béton ou ciment, vers 1947-1952
5 rue de la Prison, 2e arrondissement

Anonyme, Amphitrite – Phocée renaissante à Amphitrite éternelle confiera son destin,
bas-relief, pierre, vers 1955
Angle de la rue Caisserie et de l’avenue Saint-Jean, 2e arrondissement

Élie-Jean Vézien (1890-1982), Neptune – En ce lieu Neptune calma les flots et créa cette merveille le Lacydon, bas-relief, pierre, vers 1955
Angle des rues Caisserie et Henri Tasso, 2e arrondissement

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les noces de Gyptis et Protis, mythe fondateur de l’antique Massalia soit convoqué : la Reconstruction apparaît comme la refondation de Marseille après la Seconde Guerre mondiale. Un comité pour l’érection d’un Monument à Gyptis et Protis se forme en 1949. Très vite, le projet est confié au sculpteur Raymond Servian et à Jean Crozet (1909-1981), l’un des architectes marseillais participant aux chantiers la Reconstruction. Ensemble, ils conçoivent un imposant relief en marbre, haut de 4 mètres, posé sur un socle en pierre de la Couronne et implanté dans l’escalier reliant le Vieux-Port à la place de Lenche, entre la rue de la Loge et l’avenue Saint-Jean (ex-montée de la rue Caisserie).

Jean Crozet, Monument à Gyptis et Protis, plans et élévations, vers 1950 (ensemble et détails)
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 197 W 168

L’architecte chiffre sa réalisation à 14 000 000 d’anciens francs, réunis par souscription et par subvention ; quant au marbre pentélique de la sculpture, il s’agira d’un don du gouvernement grec. Un avis favorable est émis par l’inspecteur départemental de l’Urbanisme et de l’Habitation le 24 juin 1950. Néanmoins, le monument se situant dans un espace non encore reconstruit, le ministère de l’Éducation national dont dépend alors la Direction de l’Architecture, sursoit à l’érection pendant plusieurs années et encore en avril 1953.

Chantier de la Reconstruction de la rive nord du Vieux-Port, photographie vers 1950-1953
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 197 W 168

Au demeurant, les autorités souhaitent ardemment une maquette pour se faire une meilleure idée du projet. Raymond Servian s’exécute : « Devant une sorte de paroi, Gyptis, la fille du roi des Ségobriges, se profilant debout dans la jeunesse de sa nudité ferme et svelte, présente, en le choisissant pour époux, la coupe nuptiale à Protis, le Phocéen également nu, la chevelure ceinte d’une bandelette et tenant son manteau sur l’épaule, de même d’un pécheur son filet. »[1] La nudité des personnages contraste avec les esquisses habillées de Crozet dans ses plans.

Raymond Servian, Gyptis et Protis, maquette, plâtre, vers 1950-1953
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 197 W 168

Toutefois, ce n’est pas cela qui empêche la réalisation du projet mais la mort du sculpteur en février 1954 !

[1] Paul Sentenac, Raymond Servian, Marseille, 1954, p.75.

dimanche 31 août 2025

Émile Aldebert

Paul Azzopardi et le buste acquis sur le plateau d’Affaire conclue

Cette semaine, l’antiquaire Paul Azzopardi a acquis sur l’émission Affaire conclue (France2) un superbe buste en marbre d’homme présumé être un banquier marseillais, signé d’Émile Aldebert et daté de 1904. Cela a drainé une centaine de spectateurs vers mon blog. Du coup, je me suis rendu compte que je n’ai pas encore donné sa notice biographique issue de mon Dictionnaire des peintres et sculpteurs de Provence Alpes Côte-d’Azur :

Portrait photographique d’Émile Aldebert, 1902
Collection personnelle

Émile Aldebert (Millau, Aveyron, 28 août 1827 – Marseille, 7 mars 1924), sculpteur

Il s’installe à Marseille à l’âge de 9 ans et, à l’adolescence, fait ses études artistiques à l’école municipale de dessin. Dès 1851, il participe aux expositions de la Société artistique des Bouches-du-Rhône fondée par Émile Loubon (1809-1863), puis à celles du Cercle artistique et de l’Association des artistes marseillais : Spartacus blessé et Un génie éteint (1851, n°1 et 2), L’Amour tirant ses flèches (1855, bas-relief bois, n°5), Ariane à Naxos (1863, statue plâtre, n°312 & 1866, statue marbre, n°335), La Curieuse (1869, statuette terre cuite, n°378), Projet de fontaine à Méry, Papety, Ricard et Gozlan (1891, maquette plâtre, n°461), La Reine Jeanne (1897, médaillon plâtre, n°294), Naufragés (1908, groupe plâtre, n°328), Mes petits-enfants (1912, bas-relief bronze, n°321)…

Émile Aldebert, Ariane à Naxos, marbre, 1866
Photo trouvée sur Internet

Jean Bérengier,
Vivandière (Sambre-et-Meuse), plâtre, 1910 & Émile Aldebert, En détresse (Naufragés), plâtre, 1908, musée des Beaux-Arts de Marseille
Archives municipales de Marseille, 33 Fi 1506

À partir de 1868, il expose aussi au Salon parisien qui devient en 1881 le Salon des artistes français. Il y reçoit d’ailleurs une mention honorable en 1883 (Bateleur, statue plâtre, n°3271 – musée des Beaux-Arts de Marseille) et en 1886 (Enfant jouant avec une chèvre, groupe plâtre, n°3426 – musée des Beaux-Arts de Marseille).

Émile Aldebert, Bateleur, gravure d’après le dessin du sculpteur, 1883

Émile Aldebert, Deux amis (Enfant jouant avec une chèvre), plâtre, 1886, musée des Beaux-Arts de Marseille
Archives municipales de Marseille, 33 Fi 1505

En outre, les grands chantiers marseillais du Second Empire (palais de justice, préfecture des Bouches-du-Rhône, bibliothèque-école des Beaux-Arts) lui permettent de se construire une solide réputation d’ornemaniste. Puis, peu à peu, il gagne ses galons de sculpteur statuaire. Il exécute alors de nombreux édicules publics dont une paire de fontaines dédiées à l’Agriculture et à la Marine pour Sanary-sur-Mer (1867) et divers monuments commémoratifs : Augustin Fabre (hôpital de Sainte-Marguerite, anciennement à l’Hôtel-Dieu, 1893) et Antoine-Dominique Magaud (ancienne école des Beaux-Arts, 1910) à Marseille, Casimir Monier à Eyguières (1896), le Docteur Louis Barthélemy à Aubagne (1897), le Général Gaffori à Corte (1900)…

Émile Aldebert, Constantin, buste, pierre de Calissanne, 1870
Façade de la bibliothèque-école des Beaux-Arts, place Carli, 1er arrondissement

Émile Aldebert, L’Agriculture et La Marine, fontaines, Sanary-sur-Mer, 1867
Cartes postales

Émile Aldebert, Antoine-Dominique Magaud, buste marbre, 1910
Conservatoire national à rayonnement régional Pierre Barbizet, 2 place Carli, 1er arrondissement

Émile Aldebert, Monument au Général Gaffori, Corte, 1900
Carte postale

Parallèlement, il enseigne le modelage (1874), puis la sculpture (1884) à l’école des Beaux-Arts de Marseille. Il occupe ce poste jusqu’à la Première Guerre mondiale. Enfin, le 24 février 1884, il est reçu membre de l’Académie de Marseille. Son hôtel particulier (cf. notice du 30 juin 2020), sis au 11 de la rue de l’Obélisque (rue Louis Maurel), décoré par ses soins, vante aujourd’hui encore, telle une façade publicitaire, toute l’étendue du talent de cet artiste prolifique d’une exceptionnelle longévité. Après son décès, une vente publique disperse son fonds d’atelier les 2 et 3 avril 1924.

Catalogue de la vente du fonds d’atelier d’Émile Aldebert, 1924
Collection personnelle

dimanche 24 août 2025

Témoignage de Jean Hugues, jeune artiste provincial à Paris

Il y a une dizaine d’années, j’ai trouvé sur Ebay une lettre du sculpteur marseillais Jean-Baptiste Hugues, dit Jean Hugues (1849-1930), évoquant sa vie de jeune artiste provincial à Paris après ses quatre années de pensionnat à Rome. Il y évoque sa vie quotidienne et ses amitiés phocéennes.

Jean Hugues, lettre, 20 décembre 1881
Collection personnelle

L’encre s’estompant, j’en donne une transcription aussi fidèle que possible. Par ailleurs, je suis preneur d’informations sur les noms propres qui me sont inconnus.

20 Décembre 1881

Mon cher Flégier[1]

Je suis très affecté de ton silence et de ta disparition. T’aurais-je froissé ? Je me le demande et je cherche en vain un motif à une si longue absence. Je suis allé aux deux réunions de la Cigale[2]. Tu n’y étais pas ; j’espérais t’y trouver et te réitérer la prière de venir déjeuner avec moi. J’ai eu de tes nouvelles par Ducuis (?). Il t’avait vu ; tu étais bien portant ce qui me faisait croire à ta visite un jour ou l’autre. Or comme je vois que la montagne ne vient pas, je vais à la montagne. J’ai gardé ce trop excellent souvenir de nos relations pour les laisser tomber comme un mauvais aïoli. Allons ! Tu as donc oublié qu’il y a de bonnes huîtres chez Laurence ? / qu’il y a même autre chose, que nous pouvons causer un moment de nos amis de Marseille, de nos projets, de nos déceptions et de tout ce qu’on peut dire entre amis. Allons ! Je compte sur toi. Tu sais que je travaille comme plusieurs nègres. J’ai modelé tous les jours, quelque fois deux par jour. Tu vois quel tracas et quelle fatigue ! Je ne bouge pas, pas plus le dimanche qu’en semaine, quelque fois le soir pour ne pas trop abandonner certaines relations et c’est tout. Je suis donc très pardonnable tandis que toi qui viens dans le quartier la journée il me semble etc. etc.

J’ai reçu des nouvelles de Marseille par le neveu d’Amiel (?), par des lettres de Gonzague (?). J’ai répondu à sa dernière mais depuis plus rien. J’ai vu plusieurs fois Bompard[3]. / Je ne t’en dis pas plus long, j’ai mon modèle qui m’attend. Je te la serre affectueusement et promets-moi que tu n’en veux pas en venant un de ces matins.

Tout à toi
JB Hugues

Boulevard du Montparnasse 81

[1] Ange Flégier (1846-1927), compositeur et peintre marseillais. 
[2] La Cigale, société fondée en 1875 regroupant des hommes de lettres et des artistes originaires du Midi résidant à Paris. 
[3] Maurice Bompard (1857-1935), peintre marseillais.

samedi 9 août 2025

Petite carte postale estivale de la Bonne Mère

Eugène Lequesne, Notre-Dame de la Garde, août 2025
© photo David Coquille

À quelques jours de l’Assomption, je vous envoie une petite carte postale estivale de la Bonne Mère La statue monumentale de la Vierge à l’Enfant d’Eugène Lequesne (1815-1887) est actuellement sous échafaudage et ce jusqu’au 8 décembre, pour la fête de l’Immaculée Conception. La restauration conduite par l’architecte Xavier David (né en août 1959) – dont je vous joins l’étude préliminaire – est désormais achevée ; à présent débute la redorure de la sculpture en cuivre galvanoplastique.

Étude pour la restauration de la statue monumentale de Notre-Dame de la Garde