En
ce centenaire de l’Armistice, je publie une notice que j’ai écrite pour l’ouvrage
collectif des Archives municipales 14-18.
Marseille dans la Grande Guerre (Arnaud Bizalion éditeur, 2014, p.120-122).
La
Grande Guerre laisse une multitude de mères éplorées, de veuves et d’orphelins.
Aussi, l’hommage national se double-t-il d’une commémoration familiale. De
nombreuses tombes possèdent ainsi une plaque ou une inscription émouvante,
comme sur cette urne funéraire du cimetière Saint-Pierre : « Ici repose / mon
papa glorieux / Gabriel François Béraud / né le 25 juillet 1880 à Marseille /
mort pour la France / le 20 octobre 1918. » Certaines familles poussent
cependant l’hommage jusqu’à l’érection d’un véritable monument sculpté sur la
sépulture de leurs héros. Les plus impressionnantes se trouvent à Saint-Pierre
mais les cimetières de banlieues conservent également quelques exemples dignes
d’intérêt.
Les
sculpteurs proposent à leurs commanditaires privés des allégories évocatrices.
Louis Botinelly (1883-1962) taille, pour le tombeau du maréchal des logis Louis
Henry (1891-1915), une Douleur,
élégante pleureuse dont la main gauche, tenant un rameau de laurier, s’appuie
sur le casque du soldat.
Louis Botinelly, Douleur,
statue en marbre, 1923
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement
En
1926, Antoine Sartorio (1885-1988) réalise dans le bronze une Victoire ailée couronnant de laurier
deux épées brisées – symbole des Vosges et de Verdun – pour la famille Puppi
qui a perdu deux fils, Félix (1892-1914) et Pierre (1899-1917). L’artiste
célèbre ici un camarade ayant combattu avec le caporal Félix Puppi, mort
héroïquement lors de l’assaut d’un blockhaus ennemi.
Antoine Sartorio, Victoire, statue en bronze, 1926
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement
Quant
à la tombe du sous-lieutenant Casimir Mourgue d’Algue (1874-1916), elle
présente une allégorie plus simple – un drapeau de bronze étendu sur des
rochers au pied d’une croix – renforcée par une question rhétorique : «
Qu’est-ce que notre vie / pour cette France que / nous défendons ? »
Anonyme, tombe
de Casimir Mourgue d’Algue, bronze et pierre
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement
Toutefois,
la majorité de ces familles opte pour l’effigie de leurs disparus. Paul Rocheil
(1890-1962) sculpte plusieurs bustes tel celui du caporal Francis Siffredi
(1894-1915) tué sur le front turc.
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement
Plus
souvent, il s’agit d’un portrait en pied, permettant l’évocation d’une tranche
de vie : la statue en uniforme de Martial Meniante (1895-1917, cimetière de
Saint-Louis) rappelle que ce fils d’immigrés italiens a défendu le pays avec
les troupes de Victor-Emmanuel III.
Cimetière de Saint-Louis, 15e arrondissement
Le
brigadier Antonin Cère (1893-1917) écrit sa dernière lettre.
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement
Le
brigadier Georges Janin (1891-1914, cimetière de Mazargues) se dresse au milieu
des décombres d’un champ de bataille.
Cimetière de Mazargues, 9e arrondissement
Enfin,
le monument le plus étonnant est peut-être celui du brigadier Raoul Portal
(1897-1918). Il se distingue d’abord par sa statue équestre avant qu’un
bas-relief du piédestal ne le montre mourant entre les pattes de son cheval
pour avoir tenté de traverser un tir de barrage afin de ravitailler sa batterie
en munitions.
Cimetière Saint-Pierre, 10e arrondissement
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