Très
rapidement, François Carli décide d’ouvrir les portes de son atelier au public.
Dans le modeste local se côtoient effectivement les reproductions de
chefs-d’œuvre de toutes les époques, donnant un aperçu encyclopédique de la
sculpture européenne : statuettes de Tanagra, Victoire de Samothrace, vases étrusques, divers pleurants des
tombeaux des ducs de Bourgogne, le Persée
de Benvenuto Cellini (1500-1571)… Grâce à des patines soignées, les copies
apparaissent toutes d’excellente facture « depuis
les sphinx verdegrisés [sic] de l’Égypte, jusqu’aux statuettes élégantes de
Thorwaldsen (1770-1844) et de Pradier (1790-1852), présentées sous le luisant
exquis de l’ivoirine »[1] De
plus, le sculpteur-mouleur recourt à l’émaillage du plâtre – un procédé
aujourd’hui perdu – pour imiter notamment les terres cuites polychromes du
quattrocento.
François Carli, Nativité
dans le goût des Della Robbia
Plâtre émaillé, collection particulière
Le
poète et littérateur Elzéard Rougier (1857-1926), familier de la maison, rapporte
sur ce point une anecdote en juillet 1900 : « François Carli pousse l’art de l’imitation jusqu’au rendu de la
plus complète réalité. Un jour, en effet, le directeur du musée du Louvre, qui
avait entendu parler des curiosités charmantes de la rue Neuve, à Marseille,
voulut voir de ses propres yeux ce qu’on lui avait dit. Il entra dans
l’atelier. Sa première parole fut celle-ci : ‘‘Mais on m’a volé le
bouclier de Charles IX !’’ Carli se contenta de sourire et offrit le bouclier à
l’important visiteur. Celui-ci dut le palper pour reconnaître qu’il était en
plâtre et recouvert d’une teinte illusionnante de métal. »[2]
Il
est difficile de connaître la façon de procéder de François Carli sans avoir
accès aux originaux ; probablement l’anecdote est-elle alors exagérée et
sans doute le directeur du Louvre avait-il donné son accord… ce qui
expliquerait sa venue dans l’atelier dès les premiers temps d’ouverture au
public. Du moins, dans un cas précis est-on certain qu’il travaille directement
sur l’œuvre à copier : il reproduit ainsi l’exemplaire en bronze du Ratapoil d’Honoré Daumier (1808-1879)
appartenant au musée des Beaux-Arts de Marseille, identifiable à sa
numérotation (2) ; un exemplaire de ce moulage appartient aujourd’hui aux
collections dudit musée.
François Carli, Ratapoil
d’après Daumier, moulage plâtre
Musée des Beaux-Arts de Marseille, 4e arrondissement
L’article
d’Elzéard Rougier, paru dans la Revue de
Provence, apporte une notoriété soudaine à l’atelier-musée, terme utilisé
par le journaliste. Le lieu devient un espace culturel à la mode. Visiteurs,
parmi lesquels se trouvent certainement de nombreux apprentis artistes puisque
l’étroite rue Neuve débouche sur l’esplanade de l’école des Beaux-Arts…
visiteurs donc et clients semblent s’y presser. En octobre 1909, Sarah
Bernhardt (1844-1923) qui joue Phèdre
et La Dame aux Camélias dans la cité
phocéenne effectue à son tour ce pèlerinage ; l’actrice – également sculptrice
– acquiert aussitôt un buste de Dante,
des tanagras, des œuvres religieuses, etc. Et François Carli de s’exclamer dans
la presse : « Ma parole, elle
m’a dévalisé ! Encore un peu et elle emportait tout le magasin. »[3]
[1] Elzéard ROUGIER, « Les arts de
l’imitation. L’Atelier-Musée de François Carli », Le Petit Marseillais, 16 décembre 1904.
[2] Elzéard ROUGIER, « Les
sculpteurs de Provence – Les frères Carli », Revue de Provence, n°19, juillet 1900, p.137-148, cit. p.139.
[3] Jean SERVIEN, « Sarah Bernardt
chez Carli », Le Petit Marseillais,
22 octobre 1909, non pag.
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