En 1873-1874, l’architecte parisien Paul Sédille
(1836-1900) construit une bastide dans le quartier de Montredon : la villa
Beau-Pin. De façon erronée, nombre d’érudits font de la famille Jullien les
commanditaires de cette demeure. Ainsi, Adrien Blès, dans son précieux Dictionnaire
historique des rues de Marseille, déclare-t-il que le domaine est la « propriété
de Jérôme Jullien, bourgeois domicilié place Marone en 1791, transmise à
François Raphaël Jullien en 1843 [et qu’elle est] toujours dans la même
famille en 1883. »
C’est sans doute vrai pour le début du XIXe siècle mais il est certain que la campagne a été morcelée à un moment donné. En effet, il ne fait aujourd’hui aucun doute que la bastide a été érigée pour le compte de l’industriel marseillais Victor Roux (1819-1893). Dominique Ghesquière, conservatrice du musée Chapu au Mée-sur-Seine, a pu consulter dans les années 1980, chez la petite-fille de Sédille, un cahier des œuvres, réalisations, dates et collaborateurs tenu par l'architecte ; il y désigne clairement Roux comme le commanditaire de la Villa Beau-Pin.
Au demeurant, c’est plutôt logique puisqu’au même
moment Victor Roux demande à Paul Sédille de lui construire un immeuble de
rapport au 21 rue Sylvabelle (6e arrondissement) et de remanier la
façade du château des Bormettes à La Londe-les-Maures (Var). Gabrielle de
Jessé-Charleval, veuve de Victor Roux, conserve Beau-Pin où elle donne une
réception pour le mariage de sa fille Madeleine avec le comte Pierre de Demandolx-Dedons
en juillet 1894. À sa mort, l’année suivante, c’est son fils Léon de Jessé-Roux
qui en hérite. La bastide ne change donc pas de famille avant le XXe
siècle !
Paul Sédille puise son inspiration dans la
Renaissance italienne pour l’aspect général de la Villa Beau-Pin et dans la
Grèce antique pour le décor de terre cuite émaillée de la façade (frise de
dauphins, médaillons). C’est pour lui l’une des premières occasions d’expérimenter
la polychromie architecturale qu’il découvre lors d’un voyage en Espagne en
1871 ; il en devient l’un des promoteurs et des théoriciens. Sa rencontre
avec le faïencier Jules Loebnitz (1836-1895) lui permet concrétiser ses idées.
Ici, pour rappeler Massalia, colonie phocéenne
fondée au VIe siècle avant Jésus Christ, Sédille fait appel au talent du grand
prix de Rome francilien Henri Chapu (1833-1891). Celui-ci réalise deux
médaillons d’environ 110 cm de diamètre figurant les jumeaux Artémis et Apollon,
deux des divinités tutélaires de l’antique Marseille. Le fond des médaillons
est ensuite émaillé d’un bleu profond par Jules Loebnitz.
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