À la
suite de mon dernier article, je me suis aperçu que je n’avais pas encore donné
de biographie d’Oscar Eichacker. Je répare aujourd’hui cet oubli en livrant la
notice enrichie que j’avais publiée dans le Dictionnaire des peintres et
sculpteurs de Provence Alpes Côte-d’Azur :
Oscar Eichacker, Autoportrait en centurion,
dessin, circa 1940-1950
Ancienne collection photographe et galeriste
Albert Detaille (1903-1993)
Eichacker Oscar Édouard Jules (Avignon, 21
janvier 1881 – Marseille, 23 juin 1961), peintre et sculpteur
Fils
de militaire d’origine alsacienne, il se marie à Marseille, le 13 mars 1902,
avec Marie Thomasson… qu’il trompe rapidement : le 21 janvier 1905 naît
Fernand, son fils adultérin conçu avec Marie-Louise Bottino, âgée de 17
ans ; Oscar Eichacker reconnaît l’enfant le 19 mars 1909. Plus tard, il se
remarie à Paris, le 10 septembre 1928, avec Germaine Desmettre, une couturière.
Au
début du siècle, il est élève à l’école municipale des Beaux-Arts de Marseille
mais ne semble pas y briller particulièrement. Les palmarès conservés ne le
mentionnent qu’une seule fois, avec un 2e prix ex-aequo obtenu dans la classe
de peinture d’Alphonse Moutte (1840-1913) pour une esquisse peinte lors de
l’année scolaire 1904-1905.
Très
tôt, le jeune homme milite dans les mouvances socialistes et marxistes avant
d’évoluer dans l’Entre-deux-guerres vers le communisme et le trotskisme. La
couverture du livre des frères Bonneff est l’une de ses premières œuvres
connues. Par la suite, il donne d’autres dessins pour illustrer de la poésie
comme Chants devant le barbare de Léon Franc (1915) ou Les tours du
silence de Laurence Algan (1926).

Oscar
Eichacker, La classe ouvrière, couverture du livre de Léon et Maurice
Bonneff, 1911
Oscar
Eichacker, Les tours du silence, frontispice du texte de Laurence Algan
dans la revue littéraire Les Cahiers du Sud, 1926
Eichacker
fréquente guère les expositions collectives. L’une des très rares exceptions
est le Salon de l’Association des artistes marseillais de 1913 où il envoie de
nombreuses œuvres : des peintures (n°78- Portrait ; n°79- Études
de nu ; n°80- Tête d’enfant), des dessins (n°252- Combat –
Centaure ; n°253- Études, 4 dessins ; n°254- Études,
3 dessins) et des sculptures (n°363- Portrait, buste plâtre ; n°364
et 365- Tête d’expression, masque bronze). Il figure également en avril
1943 au 1er Salon de la Provence nationale et, en 1959, au Salon du conseil
général des Bouches-du-Rhône (Beethoven).
Il
préfère exposer chez des galeristes marseillais, dans un premier temps. En
avril 1913, on le croise à la galerie Centrale ; en mars 1914, il expose à
la galerie Olive ; en janvier 1919, la galerie Nadar-Detaille le présente
dans une exposition d’art moderne aux côtés de Cézanne, Renoir, Vlaminck, Dufy,
Kisling, Camoin… Dans les années 20, il tente sa chance à Paris. Bernheim Jeune
expose ses peintures en novembre 1926 et Drouet présente ses dessins en
novembre 1927.

Oscar
Eichacker, Nu, peinture, circa 1926
Le
Bulletin de la vie artistique, 1er novembre 1926, p.334
La
municipalité marseillaise sollicite son talent de sculpteur, d’abord pour la
reconstruction de l’Opéra sous l’égide de Gaston Castel (1886-1971) : il
réalise un bas-relief en pierre pour hall symbolisant La Musique, la
Tragédie et la Danse (1924).
Hall
d’entrée de l’Opéra municipal, photographie, 1937
Archives
municipales de Marseille 89Fi38
P.
Cadé, Hall d’entrée de l’Opéra municipal, photographie,
Photographie
publiée dans La Construction moderne, 7 décembre 1930, p.152
Puis,
il sculpte deux grands vases d’amortissement (1926) pour le pied de l’escalier
monumental de la gare Saint-Charles construit par Eugène Sénès (1873-1960).
Oscar
Eichacker, Vases d’amortissement, pierre de Lens, 1926 Escalier
monumental de la gare Saint-Charles, 1er arrondissement © Olivier Liardet
En
1932, Castel fait appel au peintre pour l’ornementation du Tribunal de commerce
de Marseille. Il lui confie la réalisation de trois toiles pour orner les murs
du salon d’honneur. Les sujets sont à la fois allégoriques et
mythologiques : L’Agriculture ou Cérès ; La Force
ou Héraclès ; La Méditerranée ou Thétis.
Oscar
Eichacker, L’Agriculture ou Cérès, huile sur toile, 1932
Oscar
Eichacker, La Force ou Héraclès, huile sur toile, 1932
Salon
d’honneur, Tribunal de commerce, 2 rue Émile Pollak, 6e arrondissement
©
Xavier de Jauréguiberry
La
même année et toujours associé à Castel, il sculpte le Monument à Jean
Jaurès d’Istres. Suivent un buste monumental d’Édouard Daladier
(1939) commandé par la Confédération nationale du commerce et de l’Industrie et
offert à la ville de Carpentras, le Monument à Henri Tasso (1951), le Monument
à Valère Bernard (1954) et le portrait en bas-relief de Victor Gélu
(1960).
Oscar
Eichacker, Monument à Jean Jaurès, pierre, 1932
Istres
© Dominique Lenoir
La
Petite Gironde,
5 juin 1939, p.1
Oscar
Eichacker, Monument à Henri Tasso, buste, bronze, 1951
Place
de Lenche, 2e arrondissement
Oscar
Eichacker, Monument à Valère Bernard, buste, pierre, 1954
Plateau
Longchamp, 4e arrondissement
Oscar
Eichacker, Victor Gélu, bas-relief, bronze, 1960
Jardin
du quai des Belges, 1er arrondissement (ancienne présentation)
Place
Victor Gélu, 2e arrondissement (nouvelle présentation depuis 2015)
Le
militantisme d’Oscar Eichacker s’accroît sous le Front Populaire. En octobre
1936, il est élu au comité central du Parti Communiste Internationaliste
(trotskiste) ; il est le représentant de la région marseillaise. Parallèlement,
en 1937/1938, il est nommé professeur de sculpture à l’école municipale des
Beaux-Arts de Marseille ; il enseigne le modelage aux cours du soir.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, il aide activement les membres du PCI en
les hébergeant ou en les aidant juridiquement. Sa femme et lui sont d’ailleurs inquiétés
en juin 1943 pour « activité ayant directement ou indirectement pour objet
de propager les mots d’ordre de la IIIe Internationale » mais les interrogatoires
ne permettent pas d’étayer l’accusation. Le couple bénéficie alors d’un
non-lieu.
Après
le conflit mondial, il reprend ses activités artistiques et professorales. Il décède
finalement à 80 ans passés des suites d’une baignade.